Une articulation subtile : les dents et le corps

Constituant la première articulation mobile du corps, les mâchoires permettent l’emboitement des dents et déterminent l’équilibre de toutes les autres articulations. Des dents qui ne s’emboitent pas parfaitement provoquent des tensions musculaires risquant de retentir sur les vertèbres cervicales, dorsales , lombaires et même sur l’ensemble du corps. En réalité, le centre de gravité du corps peut être dévié à partir de l’articulation de la mâchoire si cette dernière présente un défaut. L’emboitement harmonieux des dents, ce que les dentistes nomment l’occlusion, conditionne donc l’équilibre du squelette : un décalage d’un millimètre peut provoquer une déviation de la mâchoire induisant un trouble de l’équilibre du squelette et entrainant des défauts de posture. De même, une dent extraite non remplacée est susceptible d’engendrer le déplacement des autres, provoquant une dysharmonie de l’emboitement. Après que le centre de gravité a été dévié, on observe des répercussions sur les muscles, les tendons, les articulations, notamment des contractures et des tendinites, autant d’affections que les sportifs connaissent bien.

L’occlusion

L’occlusion dentaire correspond à la relation intime des dents entre elles lorsque les mâchoires sont fermées.

Comme nous l’avons vu précédemment, chacune des dents du haut s’encastre dans sa dent correspondante du bas avec un précision parfaite à l’image d’un jeu de Lego très sophistiqué. Le moindre grain de sable pourra venir enrayer cette formidable machine à broyer les aliments. Pour mieux comprendre, rappelons-nous cet inconfort ressenti lorsqu’un grain de framboise ou de sésame vient se loger au fond du sillon d’une de nos molaires : nos dents ne réussissent plus à s’emboiter parfaitement et tant que nous n’en sommes pas débarrassés, cette gêne devient obsessionnelle. Dans le cadre de la mastication, l’articulation des mâchoires (articulation temporo-mandibulaire) va permettre à la mandibule (mâchoire inférieure) de se déplacer dans les différents sens de l’espace pour venir écraser les aliments avec les dents du haut. Dans ce ballet synchronisé de la mastication, les dents s’encastrent et glissent les unes contre les autres avec une parfait harmonie. Cette occlusion équilibrée n’est malheureusement pas toujours la norme. Un mauvais emboitement des dents (appelé malocclusion) perturbera fortement la mastication et pourra également être générateur de douleurs, non seulement au niveau des mâchoires, mais aussi de la tête, du cou et de la colonne vertébrale.

Origines des malocclusions

La majorité des malocclusions sont principalement d’origine héréditaire. En effet, la forme et la taille des mâchoires ou encore l’espace entre les dents peuvent être caractéristiques de plusieurs membres d’une même famille et être à l’origine d’une anomalie occlusale. Ces anomalies peuvent être également liées à des facteurs environnementaux qui sont acquis au cours de la vie :

  • Les chocs au cours d’un accident : un traumatisme à la face peut provoquer une légère déviation de la mâchoire inférieure, perturbant fortement l’emboitement des dents.
  • Des traitements dentaires non adaptés : une obturation dentaire défaillante, une prothèse mal adaptée, une dent absente non remplacée sont autant de facteurs potentiellement responsables d’une malocclusion.
  • Des traitements orthodontiques non menés à leur terme.
  • La pratique sportive ou musicale : une sollicitation excessive de certains muscles au cours de ces activités sera susceptible d’aggraver des déséquilibres posturaux.
  • Le stress et l’anxiété pouvant conduire au bruxisme (grincement des dents) peuvent également aggraver des troubles de l’articulé dentaire.
  • Une mauvaise habitude de succion d’un doigt, ou encore une position inadéquate de la position de la langue, peuvent également changer la position des dents.
    Le dentiste et l’orthodontiste travaillent en synergie pour résoudre ces problèmes d’occlusion, tant chez l’enfant que chez l’adulte, comme nous le verrons dans d’autres chapitres.

Conséquences des malocclusions

Au niveau de la bouche, une malocclusion pourra engendrer des problèmes aussi bien dentaire qu’articulaires. Une dent ou une couronne légèrement trop hautes – dites en surocclusion – peuvent induire des traumatismes lors de la mastication avec un risque accru de fracture ou d’usure dentaire.

Pour l’articulation des mâchoires, une malocclusion pourra être à l’origine de migraine chronique, de problèmes auditifs (acouphènes), de vertiges, d’un sommeil perturbé ou encore de douleurs d’autres articulations à distance.

Ces problèmes articulaires peuvent également être accompagnés d’un claquage (ou craquement) à l’ouverture de la bouche, d’un blocage de la mâchoire ou encore d’une mastication douloureuse.
Ces troubles de l’articulé dentaire peuvent avoir d’autres répercussions : les troubles descendants. Une malocclusion peut déstabiliser l’alignement vertical de la colonne vertébrale à ses différents niveaux : cervical, dorsal ou encore lombaire, déviant ainsi le centre de gravité du corps. Des tensions musculaires douloureuses peuvent ainsi apparaitre et même se transmettre aux membres inférieurs.
Cette relation entre l’articulation des mâchoires et l’équilibre de la colonne vertébrale a été démontrée dans une étude étonnante menée sur des rats. Nous signalons que lors de cette expérience, le pronostic vital de ces petits rongeurs n’a pas été engagé. Cette étude a consisté à créer un trouble de l’occlusion chez trente rats et à en observer les effets sur leur colonne vertébrale. l’anomalie occlusale a été créée en ajoutant une petite pâte sur leurs molaires de façon à créer un inconfort obligeant les animaux à déplacer leur mandibule vers le côté. Les rats de l’étude ont tous développé une déviation importante de la colonne vertébrale (scoliose) après seulement une semaine. Lorsque la même cale a été ajoutée sur une dent du côté opposé, pour équilibrer l’occlusion, dans 83% des cas, la scoliose a disparu rapidement. On a pu en conclure que l’alignement de la colonne vertébrale des rats est influencé par l’occlusion et projeter cette théorie sur l’homme.

Les rats semblent si loin de nous que cette étude scientifique pourrait laisser incrédule. Cependant elle confirme, sans le moindre doute, une expérience vécue.

Le sport et les dents

Une mauvaise santé bucco-dentaire peut affecter nos performances sportives en générant des problèmes musculaires et tendineux, mais aussi des problèmes articulaires. Nous pouvons rappeler l’histoire de Bernard Hinault qui fut obliger d’abandonner le Tour de France en 1980 alors qu’il était sur le point de gagner, à cause de douleurs inflammatoire au genou. Une infection d’une dent de sagesse avait été mise en cause. L’extraction de cette dent de sagesse a mis un terme à ses douleurs inflammatoires.

Une carie, une infection d’une dent dévitalisée, une parodontite peuvent comme nous l’avons vu, être à l’origine d’un essaimage bactérien via la circulation sanguine et atteindre nos muscles, tendons et articulations. De nombreux sportifs se plaignant de tendinites récidivantes et d’asthénie (sensation de fatigue) ont pu être guéris après le traitement des dents infectées. Le retraitement des dents dévitalisées présentant une infection permet souvent de prévenir des blessures musculaires récidivantes et de retrouver davantage d’énergie.

Les troubles de l’occlusion des dents peuvent entrainer des défauts de posture avec déviation du centre de gravité, ayant pour conséquences des contractures ou déchirures musculaires, tendinite, claquages, mais aussi des pubalgies.

La relation entre les tendinites et les problèmes dentaires

Pour comprendre cette relation, il faut d’abord préciser ce qu’est un tendon. Un tendon est une structure fibreuse qui rattache les muscles aux os. Il intervient dans les mouvements en transmettant au squelette la force développée par la contraction musculaire. Le tendon est entouré d’une membrane qui se trouve dans une gaine avec du liquide lubrifiant (liquide synovial) ce qui favorise le glissement du tendon dans la gaine lors du mouvement.

La tendinite (ou tendinopathie) est due à la fatigue des tendons suite à la répétition des contraintes exercées dessus, et à un repos insuffisant entre les sollicitations. Les fibres endommagées gonflent, le tendon s’épaissit et le liquide synovial est modifié. Comme le tendon est plus épais, il coulisse moins aisément dans sa gaine, ce qui provoque des frottements générant douleurs et contractures musculaires.

La tendinite représente plus de 30% des consultations en médecine générale et médecine sportive. Les liens entre une tendinite et une infection bucco-dentaire et/ou une malocclusion (un défaut d’emboitement des dents) ne sont pas totalement élucidés. Cependant, des études scientifiques non contestées constatent la guérison de tendinites à la suite de traitements d’infections bucco-dentaires ou de malocclusion.
Ce que montrent ces études n’est pas étonnant. La diffusion de bactéries causée par une infection dentaire ou un déchaussement des dents peut atteindre certains tendons fragilisés, par l’intermédiaire de la circulation sanguine. Ainsi, en réponse à la présence de ces bactéries d’origine buccale, l’inflammation (cytokines). Ces molécules iront alors se fixer sur les tendons déjà fragilisés, risquant ainsi d’entrainer ou d’aggraver des tendinites déjà présentes.

Un défaut d’emboitement des dents pourra provoquer des tensions musculaires dans l’articulation des mâchoires, qui est rappelons le, la première articulation mobile du corps. Ces tensions musculaires pourront être transmises à la colonne vertébrale et aux membre inférieurs générant ainsi des surcharges pour les tendons et déclenchant des tendinites.

Le foot et les dents

Lors du fameux “mercato”, le transfert des grands joueurs de football est très conditionné à la bonne santé des prétendants. Ces joueurs, qui vont avoir des salaires faramineux, subissent un examen bucco-dentaire rigoureux. Ils décrochent leur mirifique contrat sous réserve que leur état bucco-dentaire soit parfaitement sain. Ainsi avant de rejoindre l’Olympique lyonnais en juillet 2009, le célèbre joueur de football français Aly Cissokho, n’a pas pu intégrer le Milan AC. En effet, les médecins milanais ont détecté un problème d’occlusion pouvant être à l’origine d’une pubalgie. Deux ans plus tard, les médecins lyonnais ont fait le même constat : un mauvais emboitement des dents serait à l’origine de sa pubalgie. Aly Cissokho a dû subir une opération de la mâchoire qui a mis un terme à ses souffrances.

Pour information, la pubalgie est une douleur du pubis dans la région du bassin. Elle touche le monde du football, du rugby, de l’athlétisme, du tennis mais aussi les personnes ayant une activité sportive intense.

Nous pouvons citer aussi le fameux joueur portugais Cristiano Ronaldo, qui a affiché durant une année des bagues orthodontiques sur les terrains de football, à l’époque où il évoluait au sein du Sporting Portugal. Ce traitement lui a permis d’avoir un parfait équilibre postural et lui a évité des blessures, tout en nous régalant de ses exploits sportifs.

Conseils à tous les sportifs

Les sportifs représentent une population plus vulnérable sur le plan bucco-dentaire. La pratique intensive du sport provoque une dépense énergétique importante qui devra être compensée par un apport énergétique. Les sportifs consomment souvent des boissons énergétiques sucrées ou des barres de céréales cariogènes. De plus, le stress physique lié à l’effort sportif induit une diminution des sécrétions salivaires donnant un caractère acide à la cavité buccale. C’est particulièrement propice au développement des bactéries qui sont toujours prêtes à attaquer le dents. Pour compenser ces effets néfastes, le sportif devra avoir une hygiène bucco-dentaire irréprochable assortie d’une nutrition parfaitement équilibrée. La prise de boissons énergétiques devra être suivie d’un rinçage de la bouche à l’eau et de la mastication d’un chewing-gum au xylitol (édulcorant non cariogène) durant quelques minutes, pour rétablir le PH salivaire en activant la salivation, ce qui réduit le risque carieux. Par ailleurs, il arrive aussi souvent que lors de l’effort physique nous soyons amenés à serrer très fort les dents, ce qui peut parfois les ébrécher ou les fissurer. Si tel est le cas, une gouttière en silicone sur mesure de 0,5 millimètre d’épaisseur pourra éviter ces traumatismes dentaires.

Il est aussi fortement conseillé de consulter régulièrement le chirurgien-dentiste afin de faire contrôler vos dents, vos gencives et votre occlusion. Enfin, pour les sports particulièrement remuants, tels que la boxe, le karaté, le rugby, la réalisation d’un protège-dents sur mesure sera la bienvenue.

L’influence des dents sur nos articulations

Chirurgie orthopédique

La pose de prothèses articulaires, le plus fréquemment le genou et la hanche, est une intervention de plus en plus courante. Les chirurgiens orthopédistes redoutent une infection de la prothèse à partir d’une infection dentaire. C’est pourquoi, ils demandent aux patients d’effectuer un bilan bucco-dentaire afin de déceler toute source d’infection potentielle ou déclarée pouvant compromettre le succès de l’intervention. Lorsque l’intervention chirurgicale est prévue, un bilan préopératoire sera réalisée par le chirurgien-dentiste, qui le cas échéant pourra avoir le temps nécessaire pour traiter les éventuels foyers infectieux. Par contre, si une infection de la prothèse articulaire apparaît après l’intervention, le chirurgien-dentiste devra intervenir en urgence pour éliminer toute bactérie dentaire susceptible d’être à l’origine de cette complication. Cela pourra même passer par l’extraction de la (ou des) dent(s) suspecte(s). Dans tous les cas, le chirurgien-dentiste travaillera en étroite collaboration avec le chirurgien orthopédique.

Une étude française a rapporté un certain nombre d’infections articulaires associées de manière relativement forte à des foyers infectieux ou à des soins buccaux. Elle souligne l’importance de sensibiliser le patient pour qu’il maintienne une hygiène constante et des visites régulières chez le chirurgien-dentiste à la suite de la pose d’une prothèse articulaire, pour ainsi réduire le risque ultérieur d’infection.

Dents et polyarthrite

La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire sévère qui touche les articulations. Celles-ci se détruisent progressivement, entrainant un handicap. La polyarthrite rhumatoïde commence le plus souvent par un engourdissement douloureux de plusieurs articulations généralement les poignets, les mains, les doigts qui se mettent à gonfler. Comme il s’agit d’une maladie inflammatoire, les symptômes sont présents plus volontiers au réveil.

Malgré les différences dans les mécanismes inflammatoires, plusieurs études ont démontré une corrélation entre les parodontites et les polyarthrites rhumatoïdes. Il a été constaté que les personnes présentant cette dernière pathologie étaient davantage atteintes de parodontite. Le traitement de celle-ci permettrait de soulager les douleurs articulaires de la polyarthrite rhumatoïde. Cette étude est confortée par la présence d’un même agent inflammatoire présent dans ces deux pathologies.

La dernière interaction que nous allons évoquer dans un autre chapitre est, au contraire de celles dont nous avons parlé ci-dessus, très “soupçonnée”. A tel point que l’on attribue à la grossesse des conséquences qu’elle n’a pas. S’il est vrai que de nombreux bouleversements hormonaux et immunologies accompagnent la grossesse, l’adage “un enfant, une dent” est faux.

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