Dans le cadre des soins dentaires, le patient est rendu vulnérable car le dentiste pénètre son intimité buccale, « avec la totale impudeur d’une prise de possession », selon le psychiatre Claude Olievenstein. Cette posture de soumission explique les appréhensions, les angoisses souvent irrationnelles qu’éprouvent certains patients.
- Ainsi, il analyse les fantasmes liés au dentiste « qui regarde en dedans de nous ». Pour ne survienne.
- D’autre part, le patient est affecté d’un point de vue psychologique puisque de la douleur dentaire émerge un comportement régressif et infantile qui le rend dépendant de son soignant.
Le dentiste est donc en position de supériorité, il est celui qui agit avec conscience ; le patient, celui qui subit en s’efforçant de faire confiance.
Avis du psychiatre
Illustrer la complexité de la relation dentiste/patient, il compare le dentiste et son patient à un prêtre pratiquant le sacrifice humain.
La relation dentiste-patient est aussi particulière dans le sens où le choix d’un dentiste est une démarche réfléchie. La patient accepte de faire confiance à son dentiste dans le cadre d’un parcours de soins. C’est la raison pour laquelle le nomadisme médical existe dans une moindre mesure chez les dentistes que chez les autres médecins.
La dimension symbolique de la bouche
La charge symbolique que nous accordons à la bouche et aux dents permet de comprendre la relation entre un dentiste et son patient. Dès la naissance, la bouche occupe une place essentielle dans la construction de l’être humain, qui expérimente la vie par sa cavité buccale. Elle lui permet de respirer, d’apaiser sa faim, ou encore de découvrir des objets en les portant à la bouche. En outre, elle constitue un lien fondamental entre l’enfant et sa mère. C’est par la bouche que le sentiment de sécurité, de chaleur et de présence se crée. Enfin, la bouche est le lieu du langage, elle fait le pont entre l’homme et le monde. Ces raisons expliquent la peur de certains enfants de voir des instruments pénétrer leurs bouches. Cette appréhension peut persister à l’âge adulte ; il faut en tenir compte.
Les moments qui forgent la dimension symbolique de la bouche
La percée des dents de lait constitue une étape importante de l’enfance. L’enfant souffre à cause de ses dents et de la fièvre que ces douleurs engendrent. Tout au long de son développement, la bouche est tiraillée entre deux sensations : plaisir et douleur.
La chute des dents de lait est souvent génératrice d’angoisse. L’enfant hypersensible ressent cette perte comme une atteinte à l’intégrité de son être qui le confronte à l’absence, l’amputation voire la mort. C’est bien pour faire face à ce désarroi que la petite souris replace la perte de la dent dans un contexte ludique. Cette tradition rassure l’enfant, qui reconsidère la situation et se dit que, finalement, c’est « un mal pour un bien ».
Dix peurs liées aux soins dentaires
- Peur de la douleur, de la « roulette » et de la piqûre :
Elle constitue le frein principal à la consultation. Même sous anesthésie, le bruit des instruments rotatifs est inconsciemment associé à la douleur. Le patient s’imagine, en plus, devoir subir une autre douleur : celle de la piqûre de l’anesthésie. - Peurs transgénérationnelles :
Le patient est porteur des angoisses de son entourage. Il est le fruit des idées reçues, des préjugés transmis par les parents et/ou grands parents et doit s’efforcer dissocier son histoire dentaire, propre et singulière, de celles de ses descendants. - Peurs acquises :
L’expérience marque l’être humain. Une expérience douloureuse, vécue même tôt dans l’enfance, s’imprime dans la mémoire. Les origines du traumatisme peuvent être diverses : une extraction de dent douloureuse, une anesthésie qui n’a pas bien fonctionné, une rage de dent… La perception des soins dentaires est alors biaisée, et le rapport au dentiste s’en trouve altéré. - Peur du viol de l’intimité :
La fonction érotique de la bouche peut expliquer l’anxiété face aux soins dentaires. Elle représente un espace intime, que l’on ne dévoile pas à n’importe qui, n’importe quand. Toute manipulation brutale peut être interprétée par le patient comme un viol de son intimité. Le soigné est allongé, la bouche ouverte, soumis de son praticien. Dès lors, le patient pourrait inconsciemment percevoir le dentiste comme un voyeur. - Peur de l’étouffement ou de la mutilation :
Les soins requièrent l’usage d’instruments rotatifs sonores qui projettent souvent de l’eau dans la bouche du patient, qui peut alors ressentir une sensation d’étouffement et des difficultés pour déglutir. Cet état peut également se reproduire lors de la prise d’empreintes.
Le patient peut aussi craindre que les instruments du praticien ne lui blessent les gencives, les joues ou la langue. - Peur de la contamination :
Même si elle n’est pas toujours fondée, l’angoisse du patient sur les risques de contamination lors des soins dentaires est compréhensible ; l’irruption de l’hépatite et du Sida ont généré cette peur jusqu’à en déclencher une véritable phobie. - Peur de l’empoisonnement :
Les campagnes contre l’utilisation de l’amalgame, largement diffusées, ont répandu l’image du dentiste « empoisonneur ». Les arguments infondés, voire fallacieux, occultent les propriétés intéressantes de ce matériau. Il faut souligner qu’à ce jour, il n’existe pas d’interdiction d’utilisation de ce produit. - Peur des maladies provoquées par des infection dentaires (infections focales) :
- Redouter les retentissements d’une infection dentaire sur la santé du corps humain relève du bon sens. Dans ce cas précis, la peur devient positive et s’apparente à de la vigilance.
- Peur de l’arnaque :
La peur du « dentiste-arnaqueur » est bien vivace. Elle est intemporelle et universelle.
Cette crainte peut trouver sa justification dans la dimension onéreuse de certains soins dentaires et de leurs faibles remboursement.
Ces préjugés peuvent hélas être renforcés depuis l’ouverture de centres dentaires low-cost qui pratiquent souvent une dentisterie dépourvue d’éthique et de rigueur clinique.
Quelques conseils pour surmonter la peur du dentiste :
Il s’agit d’adopter un point de vue rationnel pour dissiper les angoisses liées aux soins dentaires.
- Vaincre la peur de la douleur, de la « roulette » et de la piqûre :
Les techniques d’anesthésie ont considérablement évoluées. Elles suppriment définitivement la douleur au cours des soins et se dissipent rapidement (entre une et deux heures). Les bruits des instruments, quant à eux, restent désagréables mais parfaitement indolores.
L’anesthésie dentaire : arme fatale contre la peur
Elle est réalisée localement (insensibilisation de la zone à traiter), sur un patient éveillé. Elle disparait totalement deux heures après l’injection du produit anesthésique.
La douleur liée à la pénétration de l’aiguille peut être réduite par un gel anesthésique de contact appliqué au niveau de la gencive. En outre, des aiguilles très fines peuvent être utilisées pour que l’injection soit plus lente. En ce sens, un microprocesseur peut régler le volume et la vitesse d’injection en fonction de la sensibilité du patient. Il est à signaler que les nouveaux produits anesthésiants sont d’une innocuité totale.
- Vaincre les peurs transgénérationnelles :
Il faut parvenir à dissocier notre histoire dentaire de celle de notre entourage. Le passé des soins dentaires obligatoirement douloureux est révolu. Il s’agit donc de le reconsidérer, objectivement au regard des progrès médicaux et technologique accomplis. - Vaincre les peurs acquises :
Les nouvelles avancées permettent au patient de gommer les mauvaises expériences vécues. En outre, la prise en charge de la douleur est quasi-systématique et la qualité des échanges entre le patient et le dentiste, accrue. - Vaincre la peur du viol de l’intimité :
Une attitude empathique du dentiste diminuera la dimension intrusive des soins dentaires. Il faut donc prendre en compte les qualités humaines du dentiste, autant que ses compétences techniques. - Vaincre la peur de l’étouffement ou de la mutilation.
Il ne faut pas hésiter à exprimer cette crainte au dentiste, qui peut alors proposer de marquer des pauses régulières au cours du soin. L’assistante peut aussi contribuer à améliorer le confort et la sécurité du patient (en utilisant des instruments protégeant les joues et la langue par exemple). - Vaincre la peur de la contamination :
Le dentiste peut expliquer au patient les différents protocoles de stérilisation, ce qui permet de s’assurer des précautions prises pour respecter les règles d’asepsie. A cet effet, les salles de stérilisation sont parfois visibles. - Vaincre la peur de l’empoisonnement :
Les données acquises de la science doivent générer la confiance et la sécurité. L’amalgame, déconseillé dans certaines situations (chez l’enfant et la femme enceinte par principe de précaution), comporte des indications justifiées. - Vaincre la peur des maladies provoquées par des infections dentaires (infections focales) :
Un bilan clinique et radiologique annuel permet au chirurgien-dentiste de dépister une éventuelle infection et de la traiter le cas échéant. Grâce à ces contrôles réguliers, le risque de développer des infections associées aux dents sera très largement minoré. - Vaincre la peur de l’arnaqueur :
Le dentiste se doit d’informer son patient sur les différentes possibilités de traitement, leurs avantages et inconvénients, ainsi que les complications et risques éventuels. Il convient de choisir un praticien dont le discours est clair, transparent et éthique. A cet effet, pour certaines interventions, un “consentement éclairé” est établi entre le praticien et le patient. Par ailleurs, un devis doit être remis au patient pour tout traitement faisant l’objet d’un dépassement d’honoraire.
Phobie dentaire et gaz relaxant
Chez les patients phobiques, la douleur et l’anxiété cohabitent et évoluent selon un cercle vicieux : la douleur génère l’anxiété, qui elle-même potentialise la douleur, qui entretient l’angoisse. Les patients particulièrement sensibles sont en éveil et particulièrement réceptifs aux moindre stimulations. Le recours au gaz relaxant (mélange d’oxygène et d’azote) permet de définir un nouveau confort opératoire basé sur la diminution de l’anxiété (effet anxiolytique) ainsi qu’une suppression de la perception de la douleur (effet antalgique). Ce concept, appelé la sédation consciente, présente plusieurs caractéristique :
- Une rapidité d’action : l’effet anxiolytique est obtenu en deux à trois minutes. De plus, le patient peut réguler à tout moment le volume du gaz inhalé.
- Une modification du seuil de sensibilité. Le patient, toujours conscient peut communiquer avec le dentiste au cours de l’intervention tout en occultant les moments désagréables grâce à l’effet inducteur d’amnésie partielle de ce gaz.
- L’innocuité totale de ce gaz inhalé n’implique pas d’effets secondaires et est rapidement éliminé par l’organisme (2 à 5 minutes). Le patient pourra donc quitter le cabinet sans être accompagné.
La maitrise de toutes ces peurs et la prise en charge de la douleur, d’un point de vue technique et psychologique permettent donc une relation plus apaisée entre le patient et le dentiste.
Surmonter la peur du dentiste en 5 étapes
- Choisir votre dentiste en fonction de ses qualités d’écoute et d’empathie.
- Raconter à votre dentiste vos mauvaises expériences vécues, y compris les plus anciennes.
- Ne pas hésiter à exprimer toutes vos craintes et appréhensions même les plus insolites ou farfelus, liées aux soins
- Demander à votre dentiste de vous livrer toutes les explications liées aux traitements à venir. En effet, le meilleur moyen d’aborder positivement une séance de soin est de la vivre par anticipation.
- Assurer des visites régulières chez votre dentiste afin de vous inscrire dans un cadre de prévention visant à réduire l’importance des soins.
Notre sexualité et nos dents
Avant de traiter la relation entre les dents et la sensualité, il nous parait important d’évoquer des données scientifiques récentes. Au vu de ces études, il apparait qu’il y a trois fois plus de parodontites chez les sujets atteints de troubles fonctionnels de l’érection. Et plus étonnant, comme dans le traitement des maladies cardio-vasculaires, on a observé que soigner les parodontites améliorait la fonction érectile.
Ce phénomène serait lié à la présence de bactéries parodontales et de médiateurs de l’inflammation qui altère la circulation sanguine irriguant également les vaisseaux du pénis.
Finalement, ce qui ressort de ces informations, c’est le lien permanent entre la santé buccale et le désir. Temple de la sensualité et de la sexualité, la bouche et les dents représentent la frontière entre l’intime et le monde extérieur. Comment aurions-nous envie de franchir cette barrière lorsqu’une personne affiche une dentition abimée ou disgracieuse ?
Ces problèmes dentaires peuvent aller d’une simple dent ébréchée à des pertes partielles ou totales de dents, en passant par des problèmes d’alignement ou une mauvaise haleine (halitose).
A ce sujet, des études globales estiment qu’environ 30 à 50% de la population serait touchée par cette pathologie. Dans 90% des cas, une hygiène bucco-dentaire plus rigoureuse suffirait à sa disparition. Cette halitose peut dans certains cas devenir tellement gênante qu’elle sera susceptible d’affecter les relations sociales, professionnelles, voire sexuelles.
Sourire et séduction
Le sourire est le premier langage universel des amoureux. Lorsque nous sourions, il s’opère un véritable lifting du visage, tirant les pommettes vers le haut. Notre regard s’allume, pétille et émet un signal pour le partenaire. Dans le cadre de la relation de séduction, le sourire induit presque un état d’hypnose mutuel qui nous dissocie de la réalité pour nous faire accéder à un monde magique. Soyons réaliste, ce processus de séduction ne peut pas fonctionner si l’un des partenaires affiche le sourire de Jacquouille la fripouille. Mais fort heureusement, le sourire idéal n’est pas le seul argument pour séduire.
Les défauts réels ou ressentis de notre sourire déclenchent parfois un mécanisme d’inhibition pouvant affecter notre potentiel de séduction, cela en dehors même de notre relation avec notre partenaire.
Psy, sexe et dents
Si la disparition des baisers dans un couple peut représenter le signe avant-coureur d’un désamour, nous pouvons également nous demander si l’état dentaire de l’un ou de l’autre membre de ce couple n’y est pas pour quelque chose.
En effet, un grand nombre de français et de françaises n’embrassent plus leur partenaire du fait d’un problème dentaire supposé ou réel et/ou d’une mauvaise haleine.
Remarquons que les prostituées, si elles sont prêtes à accorder une fellation à leurs clients, refusent d’être embrassées sur la bouche. Le baiser buccal est en effet sensé équivaloir à un engagement sentimental bien plus que le baiser génital.
Il est important de souligner que seul l’être humain utilise le baiser dans le rite érotique. Ce préliminaire semble conditionner, notamment chez la femme, la poursuite d’une relation amoureuse. Le baiser présente une dimension physiologique. En effet, des chercheurs du département de psychologie expérimentale de l’Université d’Oxford ont constaté que la moitié des personnes interrogées ont mis un terme à une relation à la suite d’un premier baiser, ce phénomène touchant plus particulièrement les femmes. Et à la question “Pour quelle raison avez-vous décidé de mettre un terme à cette relation ?”, la réponse a été pour le moins étonnante. Elles ne remettaient pas en cause la qualité du baiser mais plutôt le fait qu’elles n’avaient pas ressenti ce qu’elles espéraient.Les chercheurs ont expliqué ce phénomène par le fait que les femmes désireuses d’avoir des enfants, seraient plus exigeantes sur le choix du partenaire, le baiser permettrait de “mieux” le choisir. Ils en déduisent que des informations génétiques seraient transmises à travers les échanges de fluides salivaires, qui permettraient d’évaluer la potentielle compatibilité avec le partenaire.
Nous avons pu observer au cours de notre pratique, l’impact de nos soins sur le bien-être des patients et ceci parfois, de manière surprenante.
Psy, sexe et implants
Dans l’imaginaire collectif, la perte des dents est souvent vécue comme un signe de vieillissement prématuré nous rapprochant de la mort. Chez l’homme, cette infirmité est vécue comme une castration tandis que chez la femme, il s’agit davantage d’une atteinte à son intégrité et sa sexualité.
Les effets bénéfiques de l’implantologie dentaire permettent de repousser les limites de la vieillesse et de booster la libido.
Chez l’homme, la disparition des dentiers au profit des implants constitue une véritable source de jouvence, voire un effet “rephallisateur” qui redope sa sexualité et ce, jusqu’à un âge avancé.
De même, nous pouvons observer chez la femme, un véritable réveil de la sensualité. L’avènement des implants dans notre spécialité constitue une révolution médicale comparable à l’introduction du viagra, avec l’avantage que cela concerne les deux sexes.
Les implants permettent également de retrouver le plaisir du goût. Dans son ouvrage “les cinq sens”, Michel Serres écrit “le goût est un baiser que la bouche se donne par l’intermédiaire du goût”.
Les plaisirs de la chair et de la bonne chère ont la bouche pour laboratoire commun.
Au fond, le chirurgien-dentiste peut un curieux sculpteur pour qui la matière et le modèle ne font qu’un.