Dents et Coeur

DES DENTS SAINES POUR UN COEUR EN BONNE SANTE

Une infection bucco-dentaire non traitée peut avoir de graves répercussions chez les patients cardiaques.
Ils doivent donc veiller de près à la santé de leurs dents et, avant les soins, avertir leur chirurgien-dentiste qui prendra toutes les précautions requises.
Le point avec le Pr Pierre Vagh Weinmann, cardiologue

Dr Alain Amzalag :

Quelles conséquences peut avoir une infection bucco-dentaire au niveau cardiovasculaire ?

Pr Pierre Vagh Weinmann :

Au centre de la dent se trouve la pulpe, riche en nerfs, en vaisseaux sanguins et lymphatiques. La dent est donc un organisme vivant qui communique, via la pulpe, avec tout l’organisme.
Suite à une infection dentaire ou à l’occasion d’un acte dentaire, des bactéries peuvent donc se diffuser dans le sang et venir se greffer sur une valve du coeur, déjà atteinte par une pathologie (valvulopathie). Ces bactéries provoquent alors une endocardite infectieuse, c’est-à-dire une inflammation de l’endocarde, l’enveloppe la plus interne du coeur. Et cette maladie peut s’avérer dramatique.

Dr A. A. :

Un patient ayant un problème de vave cardiaque, doit donc l’indiquer à son chirurgien-dentiste …

Pr P. V. W. :

Absolument. Celui-ci, en accord avec le cardiologue traitant, lui prescrira alors des antibiotiques avant les soins dentaires pour prévenir le risque d’endocardite infectieuse.

Dr A. A. :

Dans le cas de souffle au coeur, doit-on prendre aussi systématiquement des antibiotiques avant les soins dentaires ?

Pr P. V. W. :

Non. Chez l’enfant, entre autres, on observe ce que l’on appelait autrefois les souffles innocents, dus uniquement à une circulation sanguine plus rapide et un coeur plus proche de la paroi thoracique.
Chez l’adulte – sauf, par exemple, en cas d’anémie importante ou chez la femme enceinte -, un souffle cardiaque traduit en général une pathologie. Mais là encore, il n’y a pas forcément un risque de greffe bactérienne sur les valves du coeur. Il faut donc une fois de plus prendre l’avis du cardiologue.

Dr A. A. :

Après certaines interventions cardiaques, une infection dentaire non traitée au préalable peut menacer la vie du patient. De quelles opérations s’agit-il ?

Pr P.V.W. :

Il faut éradiquer tout foyer infectieux avant d’opérer une pathologie cardiaque valvulaire, en particulier si l’on pose une prothèse.
En effet, le risque déjà présent de greffe bactérienne augmente avec la mise en place d’un corps étranger, qui est un point d’appel à l’infection. Avant un pontage aorto-coronarien, toute infection dentaire doit être aussi éliminée, soit par des soins si l’on dispose d’assez de temps, soit par extraction des dents malades. Ces mesures évitent ainsi au malade de faire une endocardite post-opératoire dans les semaines ou les mois qui suivent, ce qui oblige à opérer de nouveau dans des conditions beaucoup plus difficiles.

Dr A. A. :

Après un pontage arto-coronarien, les patients doivent-ils faire l’objet de précautions particulières au cabinet du chirurgien-dentiste ?

Pr P. V. W. :

Au-delà d’une période post-opératoire de deux mois, on peut les considérer comme des patients habituels, à condition qu’ils aient eu un pontage sans pose de prothèse.
En revanche, ils prennent en général tous les jours et à vie des médicaments anti-agrégants ou anti-coagulants. Ces traitements diminuent fortement le risque d’accident coronarien, mais majorent le risque de saignement.

Dr A. A. :

Ces patients doivent donc signaler au chirurgien-dentiste les médicaments qu’ils prennent. En accord avec le cardiologue, celui-ci demandera si besoin de les arrêter quelques jours avant les soins dentaires …

Pr P. V. W. :

Oui, tout dépend du geste chirurgical prévu et du risque hémorragique. Le temps d’arrêt, lui, est déterminé en fonction du type de médicament. Par exemple, si un patient prend quotidiennement de l’aspirine, il stoppera ce traitement dix jours avant les soins dentaires.

Dr A. A. :

L’anesthésie adrénalinée que pratique le chirurgien-dentiste, est-elle contre-indiquée chez les patients cardiaques ?

Pr P. V. W. :

L’adrénaline augmente l’efficacité de l’anesthésie mais a pour effet secondaire d’augmenter le rythme cardiaque.
Elle est donc dangereuse pour les patients susceptibles de faire des troubles du rythme ventriculaire graves. En revanche, les personnes sous bêtabloquants pour angine de poitrine ou hypertension par exemple, n’ont pas de problème avec ce type d’anesthésie.

Dr A. A. :

Certains patients jeunes, en bonne santé mais parfois émotifs, font un malaise suite à une anesthésie adrénalinée. Comment l’expliquer ?

Pr P. V. W. :

Il s’agit probablement du classique malaise vagal que l’on peut faire quand il y a le moindre acte chirurgical ou anxiogène. A ce moment-là, le rythme cardiaque ralentit – le coeur peut même s’arrêter durant quelques secondes – et les vaisseaux se dilatent. La pression sanguine chute rapidement et la faible vascularisation du cerveau induit une syncope.

Dr A. A. :

Le malaise vagal est-il dangereux ?

Pr P. V. W. :

En principe, non. Au cabinet dentaire, sa gravité est limitée car il survient chez des patients en position allongée. Il n’y a donc pas de risque de chute et de traumatisme.
Qui plus est, le fait d’être allongé améliore le retour veineux du sang vers le coeur. En cas de malaise vagal, il suffit d’incliner le siège pour placer la tête vers le bas et, si besoin, de surélever les jambes. Le patient doit reprendre connaissance au bout de trente secondes environ.

Dr A. A. :

Et qu’en est-il des patients porteurs d’un pacemaker ?

Pr P. V. W. :

On peut les rapprocher des patients à risque d’endocardite, car la sonde implantée dans le coeur constitue un corps étranger favorisant le risque d’infection. Il faut donc prévoir une antibiothérapie.

Dr A. A. :

En conclusion, chez les patients à risque – même sans pathologie cardiaque déclarée -, un mauvais état bucco-dentaire peut être un facteur aggravant …

Pr P. V. W. :

Certainement. Les affections dentaires ou gingivales engagent bel et bien la santé en général.