Prévention du cancer buccal

La France détient un triste reccord en matière de mortalité et morbidité liées au cancer de la bouche.

Le cancer de la bouche touche 6000 français par an. Les lésions cancéreuses buccales sont très agressives et induisent rapidement des métastases.
Le diagnostic est trop souvent tardif. Cette difficulté du dépistage du cancer de la bouche par le chirurgien-dentiste dont la formation est lacunaire dans ce domaine, explique le diagnostic tardif et le mauvais pronostic qui en découle.

Cette découverte tardive des cancers de la bouche oblige les médecins les médecins à adopter des traitements plus agressifs et mutilants avec toutes les conséquences physiques, fonctionnelles, esthétiques et psychologiques qui peuvent en découler.

Pourquoi ce diagnostic du cancer de la bouche est-il tardif ?

1. Les symptômes des lésions cancéreuses sont souvent discrets

2. Les patients tardent à consulter par négligence ou ignorance

3. Manque de connaissances du chirurgien dentiste qui peut parfois passer à côté d’une lésion précancéreuse. Il est à noter que l’ordre des chirurgiens dentistes a lancé une grande campagne d’information destinée à tous les dentistes français. Cette nouvelle politique pédagogique devrait pallier les carences universitaires en matière de cancérologie buccale.

4. Trop nombreuses sont les personnes ayant une mauvaise hygiène de vie : la surconsommation de tabac et d’alcool constitue un gros facteur de risque. Les patients ont souvent tendance à se négliger et à consulter trop tardivement.

A retenir

La détection précoce des cancers de la bouche reposera sur une meilleure information du grand public et une plus grande sensibilisation des professionnels de santé.

Chirurgiens dentistes et médecins devront travailler en étroite collaboration pour établir un diagnostic le plus précoce possible.

Pourquoi le diagnostic d’une lésion cancéreuse buccale est-il relativement facile ?

1. La cavité buccale est facile à explorer par le patient lui-même qui pourra remarquer une anomalie des muqueuses.

2. L’examen clinique de la bouche est facilement réalisable par un chirurgien dentiste au cours d’une visite de contrôle qui devra être au moins annuelle

3. La symptomatologie évoquant la transformation d’une lésion précancéreuse en tumeur maligne est relativement simple pour un chirurgien dentiste

4. La symptomatologie d’une lésion cancéreuse est souvent évidente pour un praticien

5. Les comportements à risque (alcoolo-tabagique) devront faire l’objet d’une surveillance clinique plus rapprochée. La population à risque est facile à cerner.

Diagnostic d’une lésion cancéreuse confirmée par des examens

Dans le cas d’une suspicion de lésion cancéreuse, votre dentiste pratiquera une biopsie. Dans la cas où cette lésion serait maligne, d’autres investigations cliniques seront nécessaires :

  • Examens mycologiques, bactériologiques ou virologiques,
  • Radiographie
  • Scanner ou IRM
  • Examens de sang

A partir de ces examens, la stratégie thérapeutique sera établie : chirurgie et/ou radiothérapie et/ou chimiothérapie.

Une lésion buccale peut être impressionnante sur le plan visuel et ne pas être grave du tout. Il peut s’agir de l’épulis (complication d’une gingivite chez la femme enceinte) ou d’une candidose.

Par contre, une simple ulcération buccale qui récidive et a du mal à cicatriser, doit attirer votre attention et celle de votre praticien traitant.

Votre dentiste fera alors une biopsie afin de vérifier le caractère malin de la lésion.

Facteurs de risque prédisposant au cancer de la bouche

1. Le tabac :

L’importance et l’ancienneté de la consommation de tabac constituent un facteur de risque majeur.

Nous pouvons sociologiquement constater que l’augmentation du taux de cancer buccal est aussi liée à une intoxication par le tabac plus précoce aggravée par la consommation de plusieurs produits additifs par un public jeune.

Pourquoi le tabac est-il dangereux ?

Certaines substances contenues dans le tabac sont pharmacologiquement et toxicologiquemet actives. Ces substances sont :

- La nicotine qui crée la très forte dépendance tabagique ne serait pas cancérigène. Mais la nicotine a une activité antiaptique qui annule l’effet des médicaments anticancéreux.

- L’acétaldéhyde.

- L’éthanol, puissant irritant des muqueuses.

- Les goudrons : les hydrocarbures aromatiques (benzopyrène) et les nitrosamines contenus dans les goudrons sont très cancérigènes.

- Les facteurs irritants : phénols, aldéhydes, acroléines sont cancérigènes.

Autre effet néfaste du tabac :

La consommation de tabac provoque des élévations très fortes de température dans la cavité buccale. Cette action de brûlure répétée induira des troubles de la kératinisation des muqueuses buccales (kératoses tabagiques) et un déséquilibre de l’écosystème buccal, ce qui prédisposera les fumeurs aux cancers buccaux.

2. L’alcool (ou éthanol) :

L’alcool n’est pas forcément cancérigène mais sa combinaison au tabac multiplie le risque de cancer buccal par six.

  • L’alcool irrite les muqueuses buccales
  • L’alcool induit une hypovitaminose et le déficit nutritionnel favorise l’apparition du cancer buccal
  • L’alcool potentialise la pénétration des substances cancérigènes du tabac
  • Certaines boissons alcoolisées contiennent des nitrosamines (bière), des esters et de l’acétaldéhyde
  • L’alcool induit une dysrégulation du système enzymatique, ce qui constitue un facteur de risque supplémentaire.

3. L’alimentation :

Une mauvaise hygiène alimentaire constitue un facteur de risque supplémentaire.

Une alimentation riche en fruits et légumes réduit le risque de cancer buccal de 20 à 60%.

Les compléments alimentaires comme les antioxydants permettent de renforcer la prévention.

Certains aliments contiennent des substances cancérigènes comme des nitrosamines : viandes et poissons salés, fumés et séchés.

4. Facteur de risque mécanique : irritations liées au port de prothèses ou anfractuosités dentaires (reliefs aigus)

Les traumatismes liés à l’inadaptation des prothèses amovibles constituent un facteur de risque important.

Les ulcérations récidivantes liées aux prothèses peuvent passer à la chronicité et favoriser la survenue de cancer buccal.

Tout angle vif induira une blessure des joues ou de la langue. Si cet élément irritant n’est pas supprimé, l’ulcération pourra passer à la chronicité, ce qui constitue un facteur de risque. Si un angle tranchant est présent en bouche, vous devez impérativement consulter votre chirurgien dentiste qui adoucira le relief aigu. Il faut savoir que de nombreux cancers de la langue sont liés à des irritations mécaniques répétées qui induisent des ulcérations qui ne cicatrisent pas.

A retenir

Tout angle vif, relief aigu irritants vos muqueuses ou votre langue devra être signalé à votre chirurgien dentiste qui pratiquera un polissage.

Toute ulcération persistante devra vous amener à consulter votre chirurgien dentiste traitant car ces irritations chroniques pourraient avoir une responsabilité

dans l’apparition d’un cancer buccal.

Cependant, nous ne considérons pas ces ulcérations prothétiques comme des lésions précancéreuses, ce qui doit rassurer tous les porteurs de prothèse amovible.

5. Autres facteurs de risque :

- Les virus

Nous pouvons remarquer que la présence de papilloma virus est plus importante dans les tissus cancéreux buccaux que dans la muqueuse saine. L’infection buccale par transmission sexuelle du papilloma virus est associée à un risque de carcinome épidermoïde. La femme ayant eu un cancer du col de l’utérus a un risque plus important de présenter un cancer buccal.

- Une mauvaise hygiène bucco-dentaire

La majorité des patients ayant eu un cancer buccal présente une hygiène buccale défaillante. Une mauvaise hygiène bucco-dentaire induit une flore buccale plus pathogène.

- La dépression

Les sujets dépressifs auraient une plus grande prédisposition aux cancers buccaux, compte-tenu d’un système immunitaire affaibli.

- Les prédispositions génétiques

Certains gènes pourraient nous prédisposer aux cancers buccaux.

- L’âge

Une personne de 70 ans présente beaucoup plus de risque de développer un cancer buccal qu’un jeune de 20 ans. En effet, les remaniements tissulaires liés à la sénescence induisent un risque beaucoup plus important dans le développement de lésions précancéreuses et cancéreuses.

Les sujets âgés présentent des troubles de la kératinisation ; cette perturbation de l’écosystème buccal aura un rôle carcinogène :

La vascularisation des muqueuses du sujet âgé est perturbée, en particulier la microcirculation

Les sujets âgés présentent souvent une hyposialie : les glandes salivaires subissent une atrophie fibreuse qui provoque une diminution du flux salivaire dans la bouche. La bouche est alors privée d’un facteur immunitaire important (représenté par la salive).

La salive, par son caractère lubrifiant et isolant, diminue le risque de brûlure et de blessure des muqueuses buccales. Le manque de salive favorisera donc l’apparition de blessure.

Enfin, la négligence de l’hygiène buccodentaire chez le sujet âgé constituerait un risque supplémentaire

La déshydratation et la dénutrition des sujets âgés aggravés par un système de défense immunitaire affaibli les rendraient plus vulnérable.

 

Conclusion sur les facteurs de risque :

Un dépistage systématique devra être fait chez les sujets à risque :

  • Consommateurs de tabac
  • Consommateurs d’alcool
  • Consommateurs de tabac et d’alcool
  • Sujets ayant des antécédents de cancer
  • Sujets déshydratés et dénutris
  • Patients immunodéprimés
  • Patients dépressifs
  • Patients porteurs de prothèse amovible présentant des blessures qui cicatrisent mal

Le pronostic des cancers buccaux à un stade avancé est très pessimiste et la précocité du diagnostic conditionnera la survie du patient à cette maladie.

Quels sont les principaux symptômes suspects à retenir ?

    1. Une ulcération ou blessure qui ne cicatrisera pas malgré le traitement
    2. Une ulcération buccale traumatique qui ne guérit pas au-delà de 10 jours malgré la suppression de l’agent irritant
    3. Un changement important d’aspect de la muqueuse buccale
    4. Si la muqueuse buccale devient inflammatoire et congestive de manière chronique
    5. Si la muqueuse s’épaissit et prend du relief
    6. Si la muqueuse se kératinise (ou se durcit) ou devient verruqueuse
    7. Si la muqueuse se fissure
    8. S’il y a apparition d’une induration au niveau de la lésion buccale
    9. Si vous pensez avoir un aphte qui ne guérit pas
    10. L’apparition de ganglions indolores

 

Conclusion

Vous devez consulter régulièrement votre chirurgien dentiste qui pratiquera un examen clinique buccal.

Vous signalerez à votre praticien un éventuel comportement à risque.

Toute irritation chronique des muqueuses buccales, quelle que soit son origine, devra faire l’objet d’une surveillance médicale stricte.

La détection précoce du cancer de la bouche reposera sur une meilleure information du grand public et une plus grande sensibilisation des professionnels de santé.

Chirurgiens dentistes et médecins devront travailler en étroite collaboration pour établir un diagnostic le plus précocement possible. La précocité de ce diagnostic conditionnera le pronostic et la survie du patient.